L’Observatoire des multinationales (https://multinationales.org/) vient de publier un document de seize pages intitulé « Allô Bercy ? Aides publiques : les Corona-profiteurs du CAC 40 » qui dresse un « état des lieux provisoire » du comportement, durant la crise sanitaire du Covid-19, des sociétés du CAC 40, document qui met notamment en rapport leurs décisions en termes de versement de dividendes et de suppression d’emplois avec les aides qu’elles ont reçues. Il apparaît ainsi que sur les 40 entreprises en question, 24 ont eu recours au chômage partiel ; toutes ont bénéficié d’une baisse des impôts de production, 18 des mesures de l’un des plans sectoriels (aérien, automobile, batteries, ferroviaire, hydrogène, numérisation, Plan de relance, rénovation de bâtiments). Mais, indiquent les rapporteurs, « aucune contrepartie réelle n’a été exigée des entreprises ni en matière environnementale, ni en matière fiscale ».
Le rapport insiste sur une autre forme de soutien rarement évoquée : le rachat accru par la Banque centrale européenne, via la Banque de France, d’obligations corporate, qui a permis aux multinationales de renforcer leur trésorerie. Air Liquide, Saint-Gobain, Sanofi, Schneider Electric et Total auraient bénéficié de cette facilité.
Faute de données suffisantes, le rapport ne fournit aucune indication quant aux prêts garantis et reports de charges dont ont aussi bénéficié les sociétés du CAC 40.
Concernant les dividendes, neuf ont décidé de maintenir le versement prévu, 17 de simplement le réduire et douze seulement de le supprimer (cf. tableau de la page 4). Parmi les 26 ayant choisi le maintien ou une réduction :
- Six ont également procédé à des rachats d’actions au cours du premier semestre 2020, pour un total de 2,66 milliards : Vivendi (719 millions), Total (611 M€), Pernod-Ricard (523 M€) ; Sanofi (361 M€), Vinci (336 M€), ST Micro (111 M€) ;
- Sept dont trois ont l’Etat pour actionnaire (Kering, Orange, Sanofi, Schneider Electric, Thalès, Total, Vinci) ont annoncé une réduction de leurs effectifs, pour un total de 3 620 postes en France.
Les rapporteurs concluent qu’« au final, le CAC 40 versera cette année 30,3 milliards d’euros de dividendes au titre de l’exercice 2019, soit un peu plus de la moitié de ce qui était prévu. Les rachats d’actions de l’exercice 2019 s’élèvent à 3,7 milliards pour le premier semestre 2020 (…). Les actionnaires ont donc reçu 34 milliards d’euros alors même que la pandémie sévissait et que l’économie était à l’arrêt ». Ces mêmes sociétés ont annoncé près de 60 000 suppressions de postes dont un quart en France.
Au regard des déclarations gouvernementales et d’Emmanuel Macron – plusieurs sont reprises dans le rapport – la non rémunération des actionnaires n’est pas la seule condition d’aide définie par les pouvoirs publics à être enfreinte par les locataires du CAC 40. La non présence dans un paradis fiscal l’est également. Mais il est vrai que « la liste officielle des paradis fiscaux sur laquelle se base le gouvernement ne comporte qu’une poignée d’archipels tropicaux, qui ne sont pas les territoires où les grands groupes français pratiquent effectivement l’optimisation fiscale, qui sont souvent des pays européens comme le Luxembourg, la Belgique ou les Pays-Bas ».