Le patronat français vient de demander la fin de ses obligations de protection des salariés. Le ministère du travail a d’ailleurs, depuis le début de la pandémie, déjà contribué à conforter le patronat.
Ainsi, son administration référente, la Direction Générale du Travail (DGT), précise sur le site internet, qu’aux termes de la loi, « l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés » et il doit veiller à « l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».
Le ministère et la DGT certifient donc dans cette note qu’il n’incombe pas à l’employeur de garantir l’absence de toute exposition des salariés à des risques mais de les éviter le plus possible et s’ils ne peuvent être évités, de les évaluer régulièrement en fonction notamment des recommandations du gouvernement, afin de prendre ensuite toutes les mesures utiles pour protéger les travailleurs exposés.
Cette note indique par conséquent que l’employeur a une « obligation de moyen renforcée » (arrêt Air France – 2015) et non de résultat (arrêts amiante – 2002). Cette vision restrictive a été, à nouveau, rappelée récemment par Muriel Pénicaud, ministre du Travail.
Il s’agit d’une analyse qu’il faut dénoncer, au regard notamment des responsabilités des entreprises en matière civile et pénale et du risque jurisprudentiel existant en la matière. De surcroît, d’ores et déjà, des inspecteurs du travail ont une vision de la responsabilité de l’employeur beaucoup plus extensive. Le ministère ne s’arrête pas là.
Alors que nous assistons à un déploiement policier d’ampleur pour contrôler le respect du confinement par la population, les inspecteurs du travail se voient entravés par leur propre hiérarchie. La ministre n’hésite pas à remettre en cause leur indépendance garantie par le droit international et sanctionne les agents qui tentent d’imposer aux employeurs des mesures de protections envers les travailleurs les mesures prévues par le code du travail.
Les ingénieurs et contrôleurs des services de prévention de la santé au travail des Carsat et Cramif ne sont pas mieux lotis. Mais cela ne suffit pas au patronat.
Il y avait le « il faudra travailler plus » du patron du Medef la semaine dernière, aujourd’hui le patronat demande la fin d’une mesure de protection de la santé des travailleurs issue de la législation européenne… Pour lui, la seule solution pour être certain d’écarter la responsabilité de l’employeur est de prévoir cette exonération par une mesure législative prise sous le prétexte de « transposer effectivement » l’article 5.4 de la directive du Conseil du 12 juin 1989 « concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (89 / 391 / CEE) ».
Cette directive est un des fondements des textes sur la santé et la sécurité au travail. En sont issus, par exemple, les principes généraux de prévention. Le patronat voudrait bien en réduire ses effets.
Il sous-entend qu’il y aurait eu « surtransposition » de la directive cadre de 1989 relative à la santé et la sécurité des travailleurs. Or, si la transposition a bien été faite, il n’y a pas d’injonctions européennes à baisser le niveau de protection contrairement à ce que prétend le patronat aujourd’hui.
Il est clair que le patronat veut se mettre à l’abri : quand le coronavirus est présent sur le territoire national depuis plusieurs semaines et que rien n’est encore fait, en termes de mesures de protection basiques, Il cherche à se cacher derrière des « événements imprévisibles »…
La CGT exige que les droits fondamentaux des travailleurs soient respectés. Il est hors de question que la réalité économique passe avant la préservation de la vie.
L’insouciance du patronat qui n’a eu de cesse de diminuer ce qu’il appelle le coût du travail a dénaturé le travail lui enlevant tout son sens. Notre système social, et en particulier le secteur de la santé, les services publics non plus les moyens de pallier cette catastrophe sanitaire.
Le patronat, les actionnaires ne doivent pas faire payer leur inconséquence aux travailleurs.
La CGT demande le renforcement des droits individuels et collectifs en faveur de la santé au travail où tous les travailleurs et travailleuses seraient couverts par un Comité d’Hygiène, de sécurité et de Condition de Travail (CHSCT) renforcé. Les compétences de ces derniers devront s’élargir aux questions environnementales.
Elle demande aussi la reconnaissance accident du travail des salariés atteints du Covid-19, la sécurisation juridique du droit de retrait et un renforcement du droit d’alerte en cas de danger grave et imminent.
Elle dénonce Les pressions et entraves du ministère du travail envers les inspecteurs du travail qui doivent cesser immédiatement.
Enfin, l’action de la Confédération Européenne des Syndicats (CES) nous semble nécessaire dans ce dossier porteur de régression sociale. Le mouvement syndical ne peut accepter la réduction de la protection de la santé des travailleurs, pas plus qu’il ne peut accepter la mise en concurrence des travailleurs européens qui en résulterait immanquablement. Nous avons demandé une intervention ferme de la CES afin qu’un message clair soit envoyé au gouvernement et en particulier au 1er Ministre.
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