1936 – Les congés payés : histoire d’une lutte

A l’heure où le patronat entend défaire un à un tous les acquis sociaux obtenus par la lutte, à l’heure où les médias relayent les discours patronaux et ultralibéraux, la CGT propose, quant à elle, d’aller dans le sens du progrès social ! C’est pourquoi en cette période estivale nous évoquons un acquis qui semble évident aujourd’hui mais qui a été obtenu à force de luttes.

Les congés payés désignent les périodes de congé au cours desquelles la ou le salarié-e est payé-e par l’employeur en raison d’une obligation légale dans certains pays. Apparus en France le 20 juin 1936, les congés payés sont une innovation sociale majeure dont certaines prémices étaient apparues dans des conventions collectives en Allemagne dès le début du XXe siècle. Cette législation sociale est liée à l’avènement du Front populaire en France.

LES CONGÉS PAYÉS

Il est toujours bon de comprendre d’où on vient pour savoir où on va… Aujourd’hui, personne n’imaginerait que les congés payés puissent ne pas exister… et pourtant… Il a fallu les grèves de mai-juin 1936 pour que le patronat et le gouvernement accordent, entre autres, les deux semaines de congés payés, de peur de perdre bien plus… Mais que s’est-il passé ?

L’idée de vacances payées émerge dans les années 1920. En 1926, le congrès de la CGT revendique le droit à des congés payés. Cette année-là, l’idée d’être payé à ne rien faire », comme le bonheur, est « une idée neuve ». Droits nouveaux et mentalités nouvelles vont de pairs. Du Front Populaire à aujourd’hui, l’histoire des congés et des vacances est longue. Et elle n’est pas finie…

Le 3 mai 1936, le Front Populaire gagne les élections et provoque, grâce à cette victoire, un élan de revendications chez les travailleurs. Mouvements de grèves, occupations pacifiques des usines : plus de 2 millions de travailleurs revendiquent de meilleures conditions de travail. La France est paralysée et le patronat est dans l’obligation d’ouvrir des négociations. Les revendications portent sur la revalorisation des salaires, la limitation de la durée de travail à 40 heures par semaine et les congés payés. Léon Blum perçoit l’importance de la demande « d’être payé à ne rien faire » et de profiter du temps libre. Il en fait l’un des sujets mis sur la table de ce qui deviendra les accords de Matignon.

Dans la nuit du 7 au 8 juin 1936, à l’hôtel Matignon à Paris, sont officiellement signés les accords dits de Matignon, entre le Président du Conseil, Léon Blum, la Confédération générale de la production française (l’organisation patronale ancêtre du Medef) et la CGT. Ces accords prévoient la généralisation des conventions collectives, la création des Délégués du Personnel et une augmentation de 12 % des salaires. Cependant la mémoire des Français ne retiendra que la semaine des 40 heures et l’octroi de deux semaines de congés payés qui leur permettront de partir en vacances dès l’été 1936. Déposé le mardi 9 juin à la Chambre des députés, le texte est voté le 11 à l’unanimité des 592 votants. Au Sénat, le 17 juin, le vote à main levée est aussi massif pour cette « importante réforme sociale permettant au chef de famille de partager avec les siens les jours de vacances auxquels son travail lui a donné droit. » La loi est promulguée le 20 juin. Ainsi, en quelques jours, une réforme sociale considérée comme utopique pendant des décennies est finalement adoptée. On connaît la suite avec ces images des premiers départs massifs (et encore ils ne furent qu’environ 600.000 en 1936, puis 1,8 million en 1937), l’essor des colonies de vacances, l’invention des billets SNCF à tarifs réduits, etc.

20 ans plus tard en 1956, le cabinet Guy Mollet fait adopter une troisième semaine de congés payés obligatoires.

En 1969, est octroyée la quatrième semaine et c’est finalement, en 1982 que le temps des congés payés est fixé à cinq semaines.

Le caractère collectif des droits des salariés est désormais enraciné. Le contrat de travail repose sur des droits collectifs. Par ailleurs, les salariés représentent un contre-pouvoir légal au sein même de l’entreprise, remettant en cause profondément le dogme libéral, qui donne tout le pouvoir au propriétaire.

ET AUJOURD’HUI ?

conges payesCertains disent qu’il faut arrêter de revendiquer de nouvelles conquêtes sociales car la situation économique ne le permet plus. Pourtant est-ce que la situation économique était plus florissante avant ? Et bien non !

Un court moment d’histoire…

En 1936, sous l’apparence de « concessions » à la classe ouvrière, la bourgeoisie faisait passer des mesures essentielles pour conditionner les travailleurs et leur faire accepter une intensification sans précédent des cadences de production via l’introduction de nouvelles méthodes d’organisation du travail destinées à décupler les rendements horaires si nécessaire pour faire tourner à plein régime l’industrie d’armement. C’est la généralisation du taylorisme, du travail à la chaîne et de la dictature du chronomètre à l’usine.

Dans les trente années qui suivent la seconde guerre mondiale, la France bénéficie d’une période de croissance exceptionnelle et de plein emploi ; les conditions de vie de la population s’améliorent alors considérablement. Ces Trente Glorieuses, selon l’expression de l’économiste Jean Fourastié, prennent fin au milieu des années 1970. Alors que l’économie commence à manifester des signes de surchauffe, les deux chocs pétroliers de 1974 et 1979 font augmenter l’inflation et le chômage.

Enfin, à partir des années 1980, si l’inflation est finalement contenue, la croissance ralentit et le chômage s’installe. Le niveau de vie de la population continue de s’améliorer, jusqu’à la crise récente, mais à un rythme beaucoup plus faible qu’auparavant.

Aujourd’hui il est de bon ton, dans la plupart des médias de ringardiser ou de discréditer la lutte syndicale, d’opposer les catégories socioprofessionnelles, d’asséner de fausses vérités : « la France vit au-dessus de ses moyens », « les Français sont ceux qui travaillent le moins », « ceux qui ont le plus de congés » … dernier en date « trop de jours fériés » !

Il faut savoir que la grande majorité des journaux, des radios et des chaines de télévision appartiennent à des groupes industriels ou financiers intimement liés au pouvoir. Les journalistes, éditorialistes et experts médiatiques déversent à longueur d’antenne ou de papier, les mêmes rengaines libérales et servent les intérêts de leurs propriétaires… intérêts opposés aux nôtres, salariés. Ne comptons pas sur ces médias pour promouvoir les idées progressistes.

DES CONQUIS SOCIAUX SANS CESSE REMIS EN CAUSE

Depuis quelques années, on assiste indéniablement à une régression sans précédent de nos acquis. Depuis 2008, certains états européens n’hésitent pas à nous faire payer LEUR crise, à supprimer des jours annuels ou des jours fériés.

L’offensive se situe très clairement dans le cadre de l’idéologie libérale qui a prévalu jusqu’en 1936. Les droits des travailleurs dans l’entreprise, des retraités, des privés d’emplois, des étudiants, … sont systématiquement mis en cause. Notre Sécurité Sociale est pilonnée d’attaques, satisfaisant l’appétit des requins de la finance et du grand patronat.

Aujourd’hui plus qu’hier, nous devons nous organiser et nous mobiliser afin de défendre ce que nous avons obtenu par la lutte collective et conquérir de nouveaux droits. Une forte syndicalisation est le seul moyen de retrouver ce rapport de force favorable qui a permis d’obtenir à l’époque, de grandes avancées sociales.

Texte publié sur le site de l’union des syndicats CGT du groupe Caisse des Dépôts

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