Après de nombreuses péripéties, dont plusieurs renvois successifs, l’affaire « Laboral Terra » dont nous avions rendu compte de la première audience du 4 octobre 2018 est enfin revenue devant le tribunal des prud’hommes d’Arles ce jeudi 16 mai 2019.
A l’appel des unions locales CGT d’Avignon, de Tarascon, de Châteaurenard et, bien sûr, d’Arles, plusieurs dizaines de personnes sont venues renouveler leur soutien aux 5 travailleurs marocains (3 femmes et 2 hommes) employés de la société d’intérim espagnole pour le compte d’exploitations agricoles du Sud-Est dans des conditions de travail et de vie proches de l’esclavage.
En prélude à l’audience convoquée à 14 heures, Denis Blancs, secrétaire général de l’union locale CGT d’Avignon, a lu la déclaration suivante :
Ils sont Européens, Nord-africains ou Sud-Américains. Fuyant la misère dans leur pays, ils pensent trouver dans le travail l’eldorado en France, pays riche et pays des droits de l’Homme.
Quand ils arrivent chez nous, la désillusion est énorme.
En effet, aujourd’hui, dans nos champs, le recours aux travailleurs détachés en production agricole devient massif et se généralise et cela dans des conditions épouvantable.
Ces femmes et ces hommes, réduits à des conditions de vie et de travail indignes, à la merci des patrons négriers et donneurs d’ordre se retrouvent les exploités. Ces travailleurs voient leurs droits les plus élémentaires bafoués, le droit du travail occulté, leur santé et leur vie mises en péril.
Ces patrons camouflés derrière le nom « d’agence intérimaire» sont des esclavagistes des temps modernes à disposition des exploitations agricoles françaises. Une main d’œuvre contrainte et donc flexible à la soumission sous peine d’être renvoyée dans leur pays d’origine.
Pour ces travailleurs détachés, le quotidien se résume à des cadences infernales, des conditions de travail déplorables, des pressions, des sanctions et du harcèlement.
Les employeurs mettent tout en œuvre pour les isoler et pour annihiler tout lien social possible avec les salariés locaux et la population.
De plus, souvent sans matériel adéquat, sans équipements de protection individuelle, ils sont exposés à l’utilisation massive de produits dangereux, engrais et pesticides, qui conduisent à de graves maladies.
Viennent se rajouter leurs conditions ignobles de logement, voire pas de logement du tout…
Ils travaillent généralement de 6 à 7 jours par semaine.
Les journées dépassent souvent les 11 heures de travail avec des cadences poussées à l’extrême.
Ils sont payés seulement 5 à 7 euros de l’heure, souvent sans fiche de paie. Les heures supplémentaires ne sont pas comptabilisées. Au prétexte de prélèvements de toutes sortes (logement, taxes et impôts, « services »…) ils sont soumis à un véritable racket et le tout, bien évidemment, en espèces…
Sans une fiche de paie, ce qui ouvre la voie à la fraude aux cotisations sociales, ils se retrouvent sans couverture sociale.
C’est un véritable retour aux conditions d’esclavage !
Mais ne soyons pas dupe ! Si les agences intérim prospèrent sur notre territoire, c’est qu’il y a forcément une volonté politique à leur développement. En effet, la recherche du profit à tout prix conduit le patronat à diviser le monde du travail, à user des pratiques inhumaines, pour installer du dumping social en développant la précarité des emplois.
Dans leurs seuls intérêts égoïstes, les sociétés d’intérim utilisent ces salariés immigrés, pieds et poings liés par des conditions d’emploi et de travail d’un autre âge.
Et pour pérenniser ce système pervers, le gouvernement met en place depuis des années différentes contre-réformes qui démantèlent les services publics de l’inspection du travail, ne leur permettant plus de travailler sérieusement par un manque de contrôle sur le terrain.
La CGT dénonce et condamne ces pratiques.
La CGT s’oppose à ces conditions de travail inhumaines vécues par ces ouvriers agricoles détachés.
La CGT s’oppose à cette surexploitation par des succursales esclavagistes qui bafouent les droits acquis par tous les salariés.
La CGT lutte aux côtés des travailleurs détachés pour que soit mis un terme à ces scandales
La CGT lutte aux cotés de ces travailleurs pour qu’ils bénéficient au même titre que les autres salariés des mêmes garanties collectives que procure encore le code du travail.
Les salariés ont pu témoigner devant le tribunal des conditions très dures imposées par les donneurs d’ordre au mépris de leurs droits les plus élémentaires d’être humains, faisant la preuve, si besoin était, que ce « non-statut » de travailleurs détachés n’est en réalité rien d’autre que la négation de toute dignité humaine de ces travailleurs que la misère a poussé dans les rets des négriers franco-espagnols. Voilà une législation européenne déjà inique, dont ce sont emparés goulûment des patrons avides de profits et sans une once de moralité, mais qui n’est encore pas suffisante à leurs yeux puisqu’il leur faut encore la détourner pour écraser un peu plus des personnes déjà fragilisées par des conditions de vie misérables. Outre le cynisme de ces employeurs sans scrupule, cette audience aura aussi donné à voir l’incroyable mépris de cette engeance à l’égard de ces personnes étrangères.
L’affaire est mise en délibéré jusqu’au 4 juillet prochain.