Grève dans les EHPAD : une lame de fond venue de loin

Article paru sur NVO.fr (abonnés) le 30 janvier 2018 | Mise à jour le 31 janvier 2018 – Par Frédéric Dayan | Photo(s) : Daniel Maunoury

« Cassés », « usés », « à bout », les personnels des établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes étaient en grève, ce mardi. Ils réclamaient davantage de moyens afin de s’occuper « dignement » des aînés à l’appel d’une large intersyndicale (CGT, CFDT, FO, Unsa, CFTC, CFE-CGC et Sud), soutenue par l’association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), plusieurs syndicats et associations de retraités.

Cette journée a été marquée de manière inédite par des débrayages dans les EHPAD et dans des services d’aide et de soins à domicile. Des rassemblements étaient organisés sur tout le territoire, tandis qu’une manifestation s’est déroulée à Paris. « Pour la dignité et le respect de nos aînés et des professionnel·le·s, exigeons plus de moyens », pouvait-on lire sur la grande banderole déployée par les manifestants sous les fenêtres de la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn. Une ministre interpellée à la sono par une manifestante : « Madame Buzyn, c’est vous bientôt qui serez dans nos lits, comment on va faire pour vous soigner ? » D’autres rassemblements se sont tenus aux abords des préfectures ou des agences régionales de santé (ARS), et également à Nantes, Lyon, Strasbourg, Limoges, Marseille, Nice ou encore Lille.

Dans les établissements, la grève a été très suivie, en dépit des évidentes difficultés que ces salariés éprouvent à ne pas laisser les résidents sans soins. Ils ont été, la plupart du temps, soutenus par l’encadrement et les directions des établissements. La ministre des Solidarités et de la Santé a assuré mardi matin sur France 2 comprendre la colère et « l’épuisement » des personnels. Ces dernières années, « les besoins en personnel ont augmenté sans que forcément les financements suivent », a-t-elle concédé, rappelant que « les personnes âgées qui arrivent en EHPAD sont de plus en plus dépendantes ». Mais, vu le degré de mobilisation et la profondeur de la colère, il n’est pas certain que le gouvernement puisse s’en sortir juste avec de la commisération. Hélas, comme si elle n’avait vraiment rien compris à ce qui se joue, la ministre avait, la semaine dernière, cru opportun de dénoncer « une forme d’EHPAD bashing dans la presse, qui pointe des dysfonctionnements. (…) Les familles sont inquiètes, je veux les rassurer ». Faut-il que ce gouvernement méprise ainsi la presse quand elle jette une lumière crue sur des réalités sociales et sociétales…

Ce conflit met en lumière, s’il en était encore besoin, le fait que le gouvernement Macron agit comme ses prédécesseurs. En effet, il aura fallu cinq mois, cet appel à la grève et une demande d’audience au chef de l’État, pour que la ministre annonce, sans même attendre de recevoir les organisations syndicales, une rallonge de 50 millions d’euros. Hélas, Madame Buzyn est loin du compte. Si elle s’est offert un « coup de com’ » en croyant éteindre le feu avec une tasse d’eau tiède, elle n’a pas calmé les esprits. Pire, les organisations syndicales qui ont tenu une conférence de presse jeudi 25 janvier ont montré plus que de l’irritation d’être ainsi traitées avec tant de condescendance et de mépris.

Ce mouvement vient de loin, et il voit converger une foule de conflits locaux. C’est ainsi qu’en 2017, une centaine de grèves dans des EHPAD ont été recensées, dont la plus médiatique, aux Opalines à Foucherans (Jura), a duré près de trois mois. La question, pour les organisations syndicales, est désormais de lui donner des suites.

Sur les réseaux sociaux, la colère

En attendant, les personnels, mais aussi les familles de résidents, se déchaînent sur les réseaux sociaux avec le hashtag #balancetonehpad sur lequel les témoignages dressent tous le même constat : un manque de moyens humains et financiers qui aboutit à ce que certains n’hésitent pas à qualifier de « maltraitance » envers les patients, et qui les a parfois poussés à rendre la blouse et quitter leur métier.

 

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